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qui expliquait les choses Bovary. Laquelle?
Cependant la nourrice tait bien longue revenir. Mais, comme il n'y
avait point d'horloge dans la chaumire, Emma craignait de s'exagrer
peut-tre la longueur du temps. Elle se mit faire des tours de
promenade dans le jardin, pas pas; elle alla dans le sentier le long de
la haie, et s'en retourna vivement, esprant que la bonne femme serait
rentre par une autre route. Enfin, lasse d'attendre, assaillie de
soupons qu'elle repoussait, ne sachant plus si elle tait l depuis un
sicle ou une minute, elle s'assit dans un coin et ferma les yeux, se
boucha les oreilles. La barrire grina: elle fit un bond; avant qu'elle et
parl, la mre Rolet lui avait dit :
- Il n'y a personne chez vous !
- comment?
- Oh! personne! Et monsieur pleure. Il vous appelle.
On vous cherche.
Emma ne rpondit rien. Elle haletait, tout en roulant les yeux autour
d'elle, tandis que la paysanne, effraye de son visage, se reculait
instinctivement, la croyant folle. Tout coup elle se frappa le front,
poussa un cri, car le souvenir de Rodolphe, comme un grand clair dans
une nuit sombre, lui avait pass dans l'me. Il tait si bon, si dlicat, si
gnreux! Et, d'ailleurs, s'il hsitait lui rendre ce service, elle saurait
bien l'y contraindre en rappelant d'un seul clin d'oeil leur amour perdu.
Elle partit donc vers la Huchette, sans s'apercevoir qu'elle courait
s'offrir ce qui l'avait tantt si fort exaspre, ni se douter le moins du
monde de cette prostitution.
VI I I
Elle se demandait tout en marchant :
commencerai-je? >> Et mesure qu'elle avanait, elle reconnaissait les
buissons, les arbres, les joncs marins sur la colline, le Chteau l-bas.
Elle se retrouvait dans les sensations de sa premire tendresse, et son
pauvre coeur comprim s'y dilatait amoureusement. Un vent tide lui
soufrait au visage; la neige, se fondant, tombait goutte goutte des
bourgeons sur l'herbe.
Elle entra, comme autrefois, par la petite porte du parc, puis arriva la
cour d'honneur, que bordait un double rang de tilleuls touffus. Ils
balanaient, en sifflant, leurs longues branches. Les chiens au chenil
aboyrent tous, et l'clat de leurs voix retentissait sans qu'il part
personne.
Elle monta le large escalier droit, balustres de bois, qui conduisait au
corridor pav de dalles poudreuses o s'ouvraient plusieurs chambres
la file, comme dans les monastres ou les auberges. La sienne tait au
bout, tout au fond, gauche. Quand elle vint poser les doigts sur la
serrure, ses forces subitement l'abandonnrent. Elle avait peur qu'il ne
ft pas l, le souhaitait presque, et c'tait pourtant son seul espoir, la
dernire chance de salut. Elle se recueillit une minute, et, retrempant
son courage au sentiment de la ncessit prsente, elle entra.
Il tait devant le feu, les deux pieds sur le chambranle, en train de
fumer une pipe.
- Tiens ! c'est vous ! dit.-l en se levant brusquement.
- Oui, c'est moi!... je voudrais, Rodolphe, vous demander un conseil.
Et malgr tous ses efforts, il lui tait impossible de desserrer la
bouche.
- Vous n'avez pas chang, vous tes toujours charmante !
- Oh ! reprit-elle amrement, ce sont de tristes charmes, mon ami,
puisque vous les avez ddaigns.
Alors il entama une explication de sa conduite, s'excusant en termes
vagues, faute de pouvoir inventer mieux.
Elle se laissa prendre ses paroles, plus encore sa voix et par le
spectacle de sa personne; si bien qu'elle fit semblant de croire, ou crut-
elle peut-tre, au prtexte de leur rupture; c'tait un secret d'o
dpendaient l'honneur et mme la vie d'une troisime personne.
- N'importe! fit-elle en le regardant tristement, j'ai bien souffert !
Il rpondit d'un ton philosophique :
- L'existence est ainsi!
- A-t-elle du moins, reprit Emma, H bonne pour vous depuis notre
sparation ?
- Oh! ni bonne... ni mauvaise.
- Il aurait peut-tre mieux valu ne jamais nous quitter.
- Oui..., peut-tre !
- Tu crois ? dit-elle en se rapprochant.
Et elle soupira.
- O Rodolphe! si tu savais !... je t'ai bien aim ! Ce fut alors qu'elle pt sa
main, et ils restrent quelque temps les doigts entrelacs,
- comme le premier jour, aux Comices! Par un geste d'orgueil, il se
dbattait sous l'attendrissement. Mais, s'affaissant contre sa poitrine,
elle lui dit:
- comment voulais-tu que je vcusse sans toi? On ne peut pas se
dshabituer du bonheur! J'tais dsespre ! j'ai cru mourir ! Je te
conterai tout cela, tu verras. Et toi... tu m'as fuie?...
Car, depuis trois ans, il l'avait soigneusement vite par suite de cette
lchet naturelle qui caractrise le sexe fort ; et Emma continuait avec
des gestes mignons de tte, plus cline qu'une chatte amoureuse :
- Tu en aimes d'autres, avoue-le. Oh ! je les comprends, va ! je les
excuse; tu les auras sduites, comme tu m'avais sduite. Tu es un
homme, toi! tu as tout ce qu'il faut pour te faire chrir. Mais nous
recommencerons, n'est-ce pas? nous nous aimerons ! Tiens, je fis, je
suis heureuse ! .. parle donc ! Et elle tait ravissante voir, avec son
regard o tremblait une larme, comme l'eau d'un orage dans un calice
bleu.
Il l'attira sur ses genoux, et il caressait du revers de la main ses
bandeaux lisses, o, dans la clart du crpuscule, miroitait comme une
flche d'or un dernier rayon du soleil.
Elle penchait le front; il finit par la baiser sur les paupires, tout
doucement, du bout de ses lvres.
- Mais tu as pleur ! dit-il. Pourquoi ?
Elle clata en sanglots. Rodolphe crut que c'tait l'explosion de son
amour; comme elle se taisait, il prit ce silence pour une dernire
pudeur, et alors il s'cria :
- Ah! pardonne-moi! tu es la seule qui me plaise. J'ai t imbcile et
mchant ! Je t'aime, je t'aimerai toujours !...
Qu'as-tu ? dis-le donc! Il s'agenouillait.
- Eh bien!... je suis ruine, Rodolphe ! Tu vas me prter trois mille francs!
- Mais..., mais..., dit-il en se relevant peu peu, tandis que sa
physionomie prenait une expression grave.
- Tu sais, continuait-elle vite, que mon mari avait plac toute sa
fortune chez un notaire; il s'est enfui. Nous avons emprunt ; les clients
ne payaient pas. Du reste, la liquidation n'est pas finie ; nous en aurons
plus tard. Mais, aujourd'hui, faute de trois mille francs, on va nous
saisir; c'est prsent, l'instant mme ; et, comptant sur ton amiti, je
suis venue.
- Ah ! pensa Rodolphe, qui devint trs ple tout coup, c'est pour cela
qu'elle est venue ?
Enfin il dit d'un air calme :
- Je ne les ai pas, chre madame.
Il ne mentait point. Il les et eus qu'il les aurait donns, sans doute,
bien qu'il soit gnralement dsagrable de faire de si belles actions :
une demande pcuniaire, de toutes les bourrasques qui tombent sur
l'amour, tant la plus froide et la plus dracinante.
Elle resta d'abord quelques minutes le regarder.
- Tu ne les as pas! Elle rpta plusieurs fois :
- Tu ne les as pas!... J'aurais d m'pargner cette dernire honte. Tu ne
m'as jamais aime ! tu ne vaux pas mieux que les autres !
Elle se trahissait, elle se perdait.
Rodolphe l'interrompit, affirmant qu'il se trouvait
- Ah ! je te plains ! dit Emma. Oui, considrablement!... [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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